Faure une famille et une Marque

On pourrait en faire un roman voire un film . Tous les ingrédients y sont : passion , argent , amour et célébrité ... la saga d' une famille d' industriels ardennais de 1854 à 1968 sur fonds des trois dernières guerres et de grands événements politiques et sociaux .

Tout commence sous la Royauté !  Né en 1830 d' un père gendarme et d' une mère au foyer , Théodore Faure fait de bonnes études et obtient un emploi à la toute nouvelle Compagnie des Chemins de Fer Ardennais , propriété du Baron Seillière , ami de Napoléon III , 1er d' une longue famille de dirigeants d' entreprises

.

Le jeune homme s' installe à Revin et y épouse une jeune fille de même condition . Bien décidé à gravir les échelons de la société , il quitte son emploi pour celui de Chef d' atelier aux  Forges Saint-Nicolas , fournisseur de son précédent employeur et dans la foulée devient son propre patron en créant en 1854 sa 1ère usine.

Comme tous les entrepreneurs ardennais de l' époque il va fabriquer des clous . L 'arrivée du train à Revin ( 1862 ) va favoriser l' essort de son entreprise qui devient florissante . En 1865 , il est élu maire et le sera jusqu' en 1876 . Il possède alors 3 usines : l' Ardennnaise ,la Tamisière et Saint Joseph . L'ascenseur social a fonctionné !

La guerre de 1870 interrompt la marche de l' entreprise qui reprend en 1872 . Théodore réoriente alors sa production et fabrique désormais comme les Corneau ( à Charleville ) des objets moulés en fonte : grilles, balcons, pieds de bancs ou de tables , plaque d' égoûts ou de cheminées . En 1875 il emploie 132 ouvriers . Toujours à l' affût de nouveaux marchés Théodore se lance dans la fabrication de poêles en fonte dans le sillage d' un certain Mr Godin qui vient d' en inventer le concept dans le département voisin de l' Aisne , à Guise . En 1879 , Théodore crée avec son fils Henri, camarade de collège d' Arthur Rimbaud , la société Faure , Père et Fils . Tous deux acquièrent une nouvelle fonderie à Laifour , au lieu-dit " La petite commune " .

A la mort de son fondateur , en 1891 , la Maison FAURE emploie 1000 ouvriers , ARTHUR MARTIN ** n 'en a encore que 50 . La population de Revin est passée de 2856 h à plus du double .

Henri Faure poursuit l' oeuvre de son père .

Toujours à la recherche de la nouveauté , Faure produit à " La Petite Commune " de nouveaux articles qui font fureur dans les foyers français : la cuisinière " Simplex " ( 1895 ) et la lessiveuse " Phénix " ( 1905 ) .

 

 " Echaudé " par les grèves de 1891 dont le célèbre Jean-Baptiste Clément est le leader , le " Gros Brochet " , c' est ainsi qu' on le surnomme car il avale tous les petits patrons de la Vallée de la Meuse , habite désormais Charleville où il achète à proximité de la gare , la maison d' un des frères Corneau située à côté de celle d'  un autre grand industriel : Lefort *.

                                       La Villa Esméralda à pans de bois se trouve sur la moitié droite 

Signe de richesse et souci de discrétion ( 1907 a vu un nouveau conflit social avec ses ouvriers ) , Henri s' offre en 1909 une demeure à Trouville , la Villa Esméralda qui sera revendue 2 millions d' Euros en 2002 ! Comme son père , il associe son fils Louis à la société . Deux nouvelles usines , à Mézières et à Signy viennent enrichir le patrimoine industriel des Faure . En 1912 , le catalogue FAURE présente : 40 modèles de cuisinières , 34 modèles de cheminées , 48 modèles de calorifères , 26 modèles de poêles et une gamme d' ustensiles ménagers ( fer à repasser , gaufriers ... ) .

                                       Le nouveau pont en construction en remplacement du vieux pont suspendu

La guerre de 14 va faire plus de dégâts que la précédente . Seul département entièrement occupé pendant toute la durée du conflit , les Ardennes vont être littéralement pillées par l' occupant . Henri  s' exile à Trouville . Tandis que Louis qui pilote une 12 HP Motobloc Torpédo est mobilisé comme chauffeur au 13e  régiment d' artillerie , son père ne reste pas inactif . Il loue une usine à Nevers  et remet en route sa production ( en 1918, il rachète l' usine ) . Les autres industriels ardennais l' imitent . Arthur Martin s' implante à Dijon , Lefort à Marseille, Gailly à Meung-sur-Loire, Thomé à Boulogne Billancourt et Bordeaux . A la fin de la guerre ( le dernier soldat est tombé le 11 novembre jour de l' armistice dans les ardennes ) , le département est sinistré . 60 000 habitations sont endommagées dont 14 338 entièrement rasées au point d' émouvoir le monde entier comme en témoignent certaines reconstructions aux noms évocateurs : ' Hôpital de Manchester , village de Poilcourt-Sidney ! A leur retour , Père et fils doivent récupérer leur machines en Allemagne . Henri met en place un système d' allocations familiales pour ses ouvriers .

En 1922 , Henri meurt à Nice où il s' est retiré avec son épouse Elisabeth .

Comme depuis deux générations  , c'est l'aîné de la famille qui prend les rênes . Louis et son épouse décident d' habiter à nouveau à Revin . Les temps ont changé , pour vendre il faut se faire connaître du grand public . Pour garder ses ouvriers , il faut améliorer leurs conditions de vie et de  travail .

Faure expose désormais à la foire de Paris ,  ouvre dans la capitale un magasin d' exposition permanent 104, Boulevard Henri-Lenoir et multiplie son budget publicité par 7 . Des succursales sont même ouvertes à nancy , Clermont-Ferrand , Toulouse et Alès .

Pour lutter contre le saturnisme qui fait des ravages dans ses usines , Louis encourage la recherche qui aboutit à un émaillage sans plomb ( une première mondiale ) . Il propose désormais à ses ouvriers un système de prévoyance ( l' entreprise leur place de l' argent sur un compte rénuméré ) .

Enfin en 1936 , l' année des premiers congés payés , on inaugure la Cîté - jardin de Sartnizon . Construits au frais de l' entreprise, 132 logements individuels de 4 à 5 pièces sont mis à disposition des employés pour un loyer modique . A noter que Bernard , fils de Louis et premier Faure de la quatrième génération habitera la cîté et que sa cousine, Simone a épousé un Lefort .

 

En 1939, Louis s' offre le Manoir de la Cour-brûlée sur les hauteurs de Trouville . C'est dans cette superbe demeure que l' écrivain Marcel Proust venait tenir compagnie à sa grande amie Geneviève Strauss , veuve du compositeur Georges Bizet avant qu' elle ne se fasse bâtir la sienne juste à côté .

L' extrait de la lettre suivante datée de 1918,  nous en apporte la preuve . " J' ai vu naître , grandir, devenir de plus en plus belle votre demeure d' aujourd'hui .Je vous revois dans la précédente , le Manoir de la Cour-brûlée " .

 

1940 , les Ardennes sont envahies . Cette fois la France est vaincue . L' ensemble de la population a été évacuée in-extremis pour ne pas lui faire subir le même sort qu 'en 14-18 . Pierre le frère de Louis rentre à Revin le premier . En l' absence de tout édile municipal , il est désigné Maire par les Allemands . En 1941 c'est au tour de Louis revenu dans les Ardennes d' être désigné Maire de Charleville par les Allemands . Louis refuse prétextant sa mauvaise santé et c'est finalement Maître Manil , avocat au barreau de Charleville qui endossera la charge jusqu' à la Libération .

A la fin de la guerre , Pierre sera accusé de collaborationnisme , traduit devant les tribunaux et condamné à la dégradation nationale civique à perpétuité . Comme preuve , il fut fourni une liste de personnes proposées pour l' Ordre de la Francisque sur lequel son nom  figurait . Rappelons  que François Mitterrand avait reçu cette décoration ainsi que le père de Valéry Giscard d' Estaing ... Louis eut également les mêmes problèmes pour avoir adhérer à l ' Amicale des amis de la Légion des Volontaires Français en Allemagne . Les deux frères se retirent de la Direction .

Bernard , le fils aîné de Louis reprend le flambeau . Le lancement du " Fire ball " , un chauffage d' appoint au gaz , en 53 , permet de maintenir l' activité de la société  qui ferme la même année l 'usine de Signy . Désormais la tôle remplace la fonte la fonte . Les appareils à charbon sont en chute libre , ceux au gaz  se maintiennent  difficilement .

                                        La proriété de Raymond Faure , un des  frères de Louis

FAURE est revendue à ARTHUR-MARTIN  son concurrent ardennais qui se sépare de l' usine de Mézières en 1962 . En 63 Raymond , autre frère de Louis , vend " le Pressoir " pour acheter la  " Villa Velleda " à deux pas du Casino de Deauville . En 64 , sous la marque FAURE , on vend désormais des réfrigérateurs  et en 66 , des machines à laver à chargement sur le dessus .

Dans les années 70, c'est au tour d' ARTHUR-MARTIN de connaître des difficultés qui conduiront à son rachat par ELECTROLUX , géant Suédois du gros électroménager ( 185 000 employés ) . En 2005 , 4000 machines à laver sortaient tous les jours des usines de Revin sous les marques AEG - FAURE - ARTHUR-MARTIN . En 2007 , seules FAURE ( premier prix ) et AEG ( Haut de gamme ) sont conservées .

 

*Jean-Baptiste Lefort , fils d' un manouvrier de Vendresse est né en 1852 . Entré à l' âge de 13 ans dans la clouterie - filerie de Mohon, il en deviendra le patron puis en héritera  . L' usine restera dans la famille jusqu' en 1963 , rachetée ensuite par les " Hauts-Fourneaux de la Chiers " .

 

**Nestor Martin , né en 1825 à St-Hubert en Belgique ouvre sa première usine à Neuves-Forges près des Mazures en 1875 . C'est une clouterie. En 1887 il ouvre une usine à Revin qu'il perd suite à des démêlés conjuguaux . Son fils Arthur " 1 " rachète l' entreprise àprès les grèves de 1891 . Arthur " 2 " , le petit-fils hérite en 1924 de l'usine de Revin , celle de Neuves-Forges ayant été détruite en 14-18 , et la gère jusqu' en 1946.